BB respira profondément dans l'air moite provenant de la mer. Elle était à Adélaïde depuis quelques jours maintenant et elle avait eu l'impression que l'air marin australien commençait déjà à gommer ses mauvaises habitudes hollywoodiennes. Et pourtant, chancez le naturel et il revient au galop. Elle avait été exécrable toute la journée, à jouer la petite diva avec n'importe qui qui lui tombait sous la main. A force d'être choyée et mise sur un pédestal, elle avait du mal à faire celle qui n'avait jamais eu ce genre de vie. Changer. C'était pour ça qu'elle était rentrée. C'était pour être au calme qu'elle était revenue. Pour retrouver l'ancienne elle, si c'était possible. Ici au moins, elle avait beaucoup moins de paparazzis collés aux basques. Elle avait horreur de ça, l'impression d'être épiée tout le temps et que sa vie ne lui appartenait plus, qu'elle leur appartenait à eux. Mais c'était faux. Elle voulait reprendre le contrôle, retrouver ce qui la caractérisait et qui faisait d'elle ce qu'elle était à la base. Pour ça, elle avait besoin de ceux qui l'avaient connu avant. Se retrouver livrer en patûre à des milliers de kilomètres de chez elle, sans autre proche que son téléphone, ça avait été très dur. Mais ce soir, elle avait faire un nouveau pas pour renouer avec son passé.

Qu'elle ait rendez-vous ou pas, BB mettait toujours un soin particulier à se préparer pour sortir. Mais là ce n'était pas qu'un rendez-vous. Elle allait revoir Adriel. Mais elle n'avait pas envie d'avoir l'air de s'être faite belle pour lui. Elle ne voulait pas lui faire ce plaisir, certainement pas. Ce serait une victoire de trop pour lui et il allait s'en enorgueillir, elle en était certaine. Pourtant, elle s'était maquillée, avait remonté ses cheveux en une queue de cheval et avait enfilé une jolie petite robe noire. Une classique, le must have de toutes les gardes robes. Dans la nuit d'Adélaïde, elle n'avait besoin de rien d'autre hormis d'un sac pour sortir. Il faisait bien assez chaud. Après avoir vérifié qu'elle n'avait rien oublié et encore moins son téléphone avant de sauter dans un taxi. Elle n'emmenait jamais sa voiture le soir. Elle savait qu'elle allait boire et ne voulait pas prendre le risque d'abîmer sa précieuse auto.
Elle fut rendue à l'Exodus en un rien de temps. Elle avait presque oublié l'ambiance particulière qui régnait dans cette boîte: les lumières, la musique, les gens qui se déhanchent ou qui flirtent... Le mélange de parfums, d'odeurs de cigarettes et d'alcool. Cela ramenait à sa mémoire tout un tas de souvenirs qu'elle avait presque oublié tellement Los Angeles avait pris de la place dans sa mémoire.
Très vite, son regard tomba sur lui: Adriel. Elle n'avait eu aucun mal à le repérer, son image, elle la connaissait par coeur. Avec un sourire mi-amusé, mi-heureuse, elle s'avança vers lui. Elle avait se mélanger de joie et d'inquiétude qui lui tordait le ventre mais elle refusait de le laisser paraître. Elle évoluait dans la foule avec assurance pour le rejoindre. Elle pouvait deviner tellement de souvenirs, de crises, de fous rires et de complicité dans chaque pore de la peau d'Adriel et tout son être à elle vibrait de ses souvenirs partagés. Ils se connaissaient depuis l'enfance. Ils avaient éprouvé leur caractère l'un à l'autre pendant des années, se cherchant, se battant, s'amusant. Elle était partie, il était resté, et pourtant voilà qu'ils se retrouvaient à nouveau ici, à Adélaïde. Elle se glissa dans son dos, se hissa sur la pointe des pieds pour atteindre son oreille et lui murmura:

« Alors, je t'ai manqué petit Austalien ? »

Treize heures trente. Il était approximativement treize heures trente lorsqu'Ezra se réveilla. Après un regard jeté en direction de son réveil, il poussa un long soupir. Ce matin-là, il était rentré aux environs de sept heures d'une soirée bien trop arrosée. Et ce soir, il allait remettre ça. Depuis qu'il n'habitait plus chez ses parents, il dérapait encore plus qu'avant. Sauf qu'il n'avait plus touché à un picogramme de drogue. À part ça, il enchaînait soirée sur soirée, buvait, fumait et... Mais attendez, quelqu'un bougeait au fond des draps. Puis soudain, une tête en émergea. Ezra la regarda un moment, la bouche ouverte, comme si il s'apprêtait à parler. Sauf qu'aucun son ne sortit de sa bouche. « Tu te souviens pas de moi, c'est ça? » Encore une fois, Ezra resta silencieux, tandis que la jeune fille qui avait passé la nuit à ses côtés jura et se leva d'un bond hors du lit. Alors qu'elle se rhabillait, Ezra ferma les yeux et se frotta les paupières. Pas par pudeur, loin de là. Pas par dégoût non plus, il avait plutôt de bons goûts niveau partenaires, même en étant complètement bourré. À vrai dire, il se demandait quand il allait réussir à s'arrêter d'enchaîner les conneries. Une chose était sûre, ce ne serait pas pour ce soir.

Après le départ de la demoiselle qui avait été ponctué par un claquement de porte plutôt bruyant, Ezra se leva de plutôt bonne humeur. Ce qui était étonnant vu le peu d'heures qu'il avait dormi. Arrivé dans la cuisine-salon, il se versa un bol de céréales et s'installa dans le divan après avoir allumé la télé. Oui parce qu'à vingt-et-un ans, il lui arrivait encore de se manger des céréales en regardant des dessins animés. Il n'y avait de toute façon personne pour le voir, alors il s'en fichait pas mal. Après avoir déjeuner, il retourna dans sa chambre et enfila un jeans et un t-shirt, tout ce qu'il y avait de plus simple. Puis il passa quelques minutes à se coiffer. Ezra et ses cheveux, c'était en effet une très longue histoire d'amour. D'ailleurs, il ne supportait pas qu'on lui touche. Bon, tout le monde a des petites manies. Bref, une fois qu'il se fut admiré assez longtemps, il enfila ses converses, attrapa son portable, ses clefs et sa veste, et quitta son appartement de Rundle Street. En travaillant au Freak Parade, il avait toutes ses journées de libres, sauf lorsqu'il fallait apprendre une nouvelle chorégraphie. Or ce n'était pas le cas ce jour-là. Il en profita donc pour aller respirer un peu l'air frais avant de retourner s'enfermer à l'Exodus le soir venu. Il marcha longuement et se retrouva finalement dans Victoria Square, où ses parents et sa petite sœur, Isobel, habitaient. De là où il était, il pouvait voir la fenêtre de la chambre d'Isobel et son bureau. À la plus grande joie d'Ezra, elle était entrain d'y travailler. Apercevoir sa sœur lui faisait toujours mal au cœur car elle était bien la seule personne qu'il regrettait dans cette maison. Elle se sentit certainement observée car elle releva la tête brusquement. Il ne lui fallut qu'une seconde pour repérer son frère et un large sourire illumina son visage. Elle se précipita pour ouvrir sa fenêtre mais Ezra avait déjà disparu au bout de la rue. Il ne pouvait s'empêcher de penser à elle et de venir dans ce quartier mais, une fois qu'il avait l'occasion de lui parler, il renonçait et s'enfuyait. Il savait qu'elle aurait été capable de le ramener à la maison. Pour elle, il aurait supplié ses parents d'accepter de l'héberger à nouveau. Mais il ne voulait pas craquer. Alors il fuyait. C'était la seule chose qu'il savait faire correctement.

Vers vingt heures trente, après avoir marché de longues heures, Ezra rentra finalement à son appartement. Cette visite à Victoria Square l'avait secoué, comme toutes les autres. C'est pourquoi il était impatient de retourner en boîte. Parce que les soirées auxquelles il se rendait lui permettait d'oublier le reste. Il prit donc une douche et examina sa penderie afin de trouver une tenue correcte. Finalement, il opta pour un jeans foncé et un t-shirt blanc avec des inscriptions noires. Il repassa plusieurs minutes à se recoiffer avant de décider qu'il était prêt. Il était presque vingt-deux heures, le temps donc pour lui de prendre le chemin de l'Exodus. Il s'y rendit en taxi, non pas parce qu'il était adepte du dicton «boire ou conduire, il faut choisir» mais pour une autre raison tout aussi bonne: il n'avait pas de voiture. Lorsqu'il entra dans la boîte, il repéra rapidement deux de ses amis qui étaient entrain de courtiser de charmantes demoiselles, qu'il avait déjà vues, elles aussi. L'une d'elles semblait être dingue d'Ezra car elle ne pouvait s'empêcher de le fixer et de boire ses paroles. Bien que cette fille ne l'intéressait pas, il aimait ça et en jouait. Il se rapprochait doucement d'elle lorsqu'il sentit quelqu'un juste derrière lui. Quelqu'un qui lui chuchota à l'oreille. En reconnaissant cette voix, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Beau. Ou, comme il avait l'habitude de l'appeler, BB. Ils se connaissaient depuis des années tous les deux et ils avaient passé beaucoup de temps ensemble. C'est pourquoi le départ de BB avait plutôt affecté Ezra. Surtout qu'elle était partie peu de temps avant que son frère ne tombe dans le coma et qu'il aurait bien eu besoin d'elle à ce moment-là. Mais il n'avait pas voulu la déranger et ne lui avait jamais rien dit. Alors c'est pourquoi, bien qu'il savait qu'ils devaient se voir ce soir-là, entendre sa voix lui procura un plaisir intense. Bien sûr, il n'allait pas lui montrer. Se désintéressant totalement de celle qui buvait ses paroles, il se retourna lentement vers BB. Malgré la promesse qu'il s'était faite, il ne put s'empêcher de la prendre par la taille et de la soulever à vingt centimètres du sol, la faisant tournoyer légèrement. Bon, pour ce qui était de ne pas montrer ce qu'il ressentait, c'était un peu raté. Mais il se rattraperait le reste de la soirée. « Bien sûr que tu m'as manqué, BB! Alors, t'as pas trop pris la grosse tête, j'espère? »

Très vite, BB ne toucha plus terre. Non pas à cause de l'état d'euphorie dans lequel elle se trouvait (loin s'en fallut de cela) mais parce qu'Adriel venait tout simplement de la soulever du sol pour la faire tournoyer. Elle ne put retenir un rire en s'accrochant à lui pour ne pas perdre l'équilibre. Il n'y avait pas à dire, c'était toujours le même. Plus grand certes, les rondeurs enfantines avaient disparu de son visage mais c'était toujours la même odeur, toujours le même sourire, toujours le même regard. BB se surprit à penser que maintenant, elle était enfin chez elle.

« Bien sûr que tu m'as manqué, BB! Alors, t'as pas trop pris la grosse tête, j'espère? »
« Plus que je ne l'avais tu veux dire ? »

Elle sourit, détourna légèrement le regard. Elle ne savait pas si Adriel avait suivi ses frasques ou pas dans les potins. Elle avait assez honte à l'idée qu'il sache en effet l'étendu des dégâts: l'alcool, les mecs, les soirées, les scandales... La BB d'Hollywood n'avait rien eu à voir avec celle d'Adélaïde et elle n'en était pas fière, loin de là.

« Disons que pour prendre la grosse tête, il aurait d'abord fallu que je la garde sur les épaules..»

Son regard se fit vague un moment pour elle le fixa à nouveau vers lui avec curiosité. Elle regrettait de ne pas avoir gardé davantage le contact avec lui alors qu'elle était aux Etats-Unis. Ce n'est pas l'envie qui lui avait manqué mais le temps, tout simplement. Les tournages, les soirées, les galas, les premières, les shootings,... Tout cela l'avait mise sans dessus-dessous, sans parler des mauvaises fréquentations. Elle n'avait pas voulu avoir à lui mentir en lui disant que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Il valait mieux que ça. Alors elle avait préféré ne rien dire, c'était bien plus simple. Mais l'inconvénient c'est qu'elle ne savait pas du tout ce que lui était devenu, ce qu'il avait fais. Elle avait été habituée à grandir avec lui alors ignorer ce qu'il était devenu l'avait quelque peu... déboussolée. Mais elle était prête à rattraper le temps perdu désormais.

« Et toi, Adriel ? Dis-moi tout ! Qu'est-ce qu'il t'est arrivé pendant que j'étais à Los Angeles. Ne me cache rien. »

Elle jeta un bref coup d'oeil derrière lui, vers ses amis qu'elle connaissait plus ou moins mais avec qui elle n'avait aucune envie de le partager. Son regard s'attarda sur les jeunes filles qui la regardaient un regard partagé entre la jolie et la stupéfaction. Elle lui lâcha un sourire mauvais avant d'entraîner Adriel à l'écart. Elle n'aimait pas le partager, jamais. Sinon elle passait son temps à être cynique et mauvaise, histoire de faire fuir son monde. Ce n'était pas sa faute, c'était viscéral. Elle aimait être le centre de l'attention, depuis toujours. Mais avec lui, elle ne supportait pas que quelqu'un d'autre l'accapare, jamais. Une autre fille s'entend.

« Toi aussi tu m'as manqué, tu sais. »

Ezra sourit à la réponse de son amie. C'est vrai, elle avait toujours aimé être le centre d'attention et il aimait parfois lui faire remarquer qu'à trop s'y croire, se tête finirait tellement enflée qu'elle ne passerait plus les portes. C'était une façon de plaisanter gentiment au sujet de la vanité de BB. Et puis de toute façon, Ezra était un peu pareil. Il aimait attirer l'attention lui aussi. Sauf que lui n'avait jamais fait de carrière d'acteur ou de mannequin. Ezra remarqua la honte soudaine de BB mais fit semblant de ne pas l'avoir vue détourner les yeux. Il avait entendu et lu certaines choses à son sujet durant son absence. Mais il n'était pas vraiment la bonne personne pour lui faire la morale. Et puis, il ne le voulait pas non plus. Et, de toute façon, pouvait-on croire à cent pour cents ce que racontaient les tabloïds? Même si, au fond, il savait que tout n'était pas que mensonge, il préféra oublier ce qu'il avait lu. Il ne voulait pas gâcher leurs retrouvailles qui semblaient jusque là prometteuses. Il avait en effet craint un moment qu'il ne retrouverait jamais l'amie qu'il avait laissée quitter Adélaïde des mois plus tôt. Mais il était certain que tout ce qui avait pu se passer dans leurs vies respectives pendant qu'ils étaient loin l'un de l'autre ne compterait pas maintenant qu'ils s'étaient retrouvés. En pensant à tout ce qu'il s'était passé durant ce temps, Ezra eut cependant un doute, l'espace d'un instant. C'est vrai, il ne vivait désormais plus chez ses parents, habitait à la place dans un appartement juste assez grand pour lui, avait abandonné ses études de droit et avait un job pas forcément très respectable. Entre autres choses.

Au prénom d'Adriel, Ezra tressaillit. Ah, et il y avait ça aussi. Adriel était le prénom que ses parents lui avaient donné, vingt-et-un ans plus tôt. Pour tout vous dire, son vrai nom était Adriel Ezra Robinson. Mais lorsqu'il avait été mis à la porte de chez lui, il avait décidé de tirer un trait sur sa famille. Et il se faisait désormais appeler Ezra Montgomery. Pourquoi Montgomery? Dianna Montgomery était la nourrice d'Ezra et de son frère lorsqu'ils étaient très jeunes. Et de ce qu'il se souvenait, elle avait toujours été celle qui lui portait le plus d'attention et d'amour dans la maison. Il avait appris son décès quelques mois plus tôt. Un stupide accident de voiture. Ce choix de nom, c'était un peu un hommage à la seule femme qui se soit jamais vraiment occupé de lui. Détournant à son tour les yeux, Ezra fixa le fond de la salle avant de répondre à BB. « Oh tu sais, il s'est passé pas mal de choses ici aussi durant ton absence... » Il ne savait pas par quoi commencer. Mais il n'eut pas le temps d'hésiter très longtemps. Son amie l'entraîna en effet à l'écart de la bande qu'il avait rejoint en début de soirée. Ce n'était pas plus mal après tout. « Toi aussi tu m'as manqué, tu sais. » Il sourit à cette phrase et cela l'encouragea à continuer. « Bon, puisque tu veux tout savoir... Sache qu'on ne m'appelle plus Adriel désormais. » Il s'arrêta avant de prendre une profonde inspiration. Il savait que cela devait être intriguant. C'est pourquoi il réfléchit à la meilleure façon pour présenter les choses. Finalement, il lâcha, dans un soupir : « Salut, je m'appelle Ezra Montgomery. Je me suis fait mettre à la porte par mes parents alors j'ai voulu coupé les ponts définitivement et j'ai changé de nom. » Se sentant soudainement ridicule, il baissa les yeux, attendant la réaction de son amie comme un condamné à mort attendrait d'être amené à la chaise électrique.

« Bon, puisque tu veux tout savoir... Sache qu'on ne m'appelle plus Adriel désormais. »

BB inclina la tête de côté, prise au dépourvu, cligna des yeux. Elle l'avait toujours connu sous ce nom. Elle lui avait donné des tonnes de surnoms au passage mais ce qu'elle préférait c'était encore l'appeler Adriel. Mais elle réservait ça pour des moments particuliers, privilégiés. D'où l'intérêt de tous les surnoms: pour rendre son prénom spécial. Mais il avait décidé de renier son nom, ça la laissait sans voix. Qu'avait-elle bien pu râter pour qu'il prenne cette décision ? Visiblement, elle n'était pas la seule à avoir garder des choses secrètes.

« Salut, je m'appelle Ezra Montgomery. Je me suis fait mettre à la porte par mes parents alors j'ai voulu coupé les ponts définitivement et j'ai changé de nom. »

Elle ouvrit la bouche mais rien n'en sortit, elle préféra la refermer. Elle ne s'attendait pas à ça. Et elle n'aimait pas qu'on se rende compte qu'elle était sur le cul. Elle avait l'habitude de jouer un rôle de composition, de toujours paraître dans son élément tout le temps. Mais là, tout son métier d'actrice était mise à mal par Adriel. De toute manière, elle n'avait jamais su être fausse avec lui. Il avait toujours eu ce don avec elle, de la mettre assez à l'aise pour qu'elle assume toutes les facettes de sa personnalité. Les plus glorieuses et les moins glorieuses.
BB connaissait bien les parents d'Adriel. Ou Ezra comme il fallait qu'elle s'habitue à l'appeler. Ils n'étaient pas forcément méchants mais ils n'avaient jamais traité Ezra comme son père la traitait elle, c'était clair et net. Mais elle se demandait ce qui avait bien pu les pousser à jeter leur fils à la porte. Quels parents pouvaient bien faire une chose pareille au fruit de leurs entrailles ? C'était quelque chose qui la mettait hors d'elle.

« Mais pourquoi ? Laisse tomber, y'a rien qui justifie qu'on jette son fils à la rue. Crois-moi, ils vont entendre parler du pays tes parents. »

Elle fronça les sourcils, croisa les bras sur sa poitrine, contrariée. Et son père qui ne lui avait rien dis. Mais est-ce qu'il le savait au moins ? Sans doute oui. Et sachant comme sa fille était capable d'avoir un sacré franc-parler, il était possible que cette action soit parfaitement délibérée. Mais maintenant, rien ne pourrait empêcher la jeune femme de dire le fond de sa pensée aux parents d'Ezra.
BB reporta son attention sur le jeune homme avec un regard empli de compassion. Elle posa doucement sa main sur son bras et le serra avec affection. Elle se sentait coupable de ne pas avoir été là pour lui. Elle avait vécu en autarcie de tout ce qui avait été important pour elle ici et voilà le résultat.

« Mais qu'est-ce que t'as fais ? Où est-ce que tu veux ? Est-ce que t'as un travail ? Viens donc vivre à la maison. Papa sera ravi d'avoir un autre garçon avec lui, je le rends complètement dingue. Mais pourquoi tu m'as pas appelé bon sang ? »

Elle avait dit tout ça très vite, sans vraiment lui laisser le temps de répondre. C'était souvent le cas quand elle avait atteint un niveau de nervosité élevé, un peu comme si elle était hyperactive. Et elle se mordit la lèvre comme toujours quand elle s'en voulait de s'être laissée dominer par les nerfs. Elle s'en voulait aussi de sentir ces petits picotements dans sa main qui était en contact avec le bras d'Ezra. C'était stupide, c'était puéril. Elle pensait avoir mûri, être passée à autre chose mais elle se retrouvait encore une fois dans les mêmes marasmes que ceux de son enfance, de sa puberté, de toujours en somme. Ce mec pouvait mettre le zouk dans sa tête. C'était indéniable, c'était insupportable mais elle adorait ça, c'était excitant. Elle était folle, c'était certain.

Alors qu'il relevait lentement la tête pour voir la réaction de BB, Ezra remarqua qu'elle était troublée par sa révélation, malgré les efforts qu'elle faisait pour le dissimuler. Un instant, il craignit sa réaction. Mais, lorsqu'elle prit finalement la parole, il trouva soudain totalement stupide l'idée même qu'elle ait pu voir cela comme étant mal venu de la part d'Ezra. « Mais pourquoi ? Laisse tomber, y'a rien qui justifie qu'on jette son fils à la rue. Crois-moi, ils vont entendre parler du pays tes parents. » Ezra eut un petit rire nerveux qu'il stoppa rapidement. Il secoua la tête en réponse à la phrase de BB. Cela ne servait à rien. Il ne remettrait plus jamais les pieds chez lui, ou plutôt chez ses parents, de toute façon. Il ne serait plus jamais le bienvenu. « Peut-être que si finalement. Peut-être que je l'ai mérité. » Il soupira et haussa les épaules d'un air las. Désormais ça n'avait plus d'importance. Le seule personne qu'il regrettait, c'était Isobel. Mais elle n'avait que onze ans et il craignait parfois que ses parents seraient capables de porter plainte contre lui si il tentait de trop s'en approcher. Il avait déjà assez d'emmerdes pour ne pas risquer de se faire approcher par les flics. Peut-être que lorsqu'elle aurait grandi, il pourrait reprendre contact avec elle. En attendant, il devait se contenter de l'entrapercevoir de loin, lorsqu'il passait par Victoria Square, par exemple.

« Mais qu'est-ce que t'as fais ? Où est-ce que tu vis ? Est-ce que t'as un travail ? Viens donc vivre à la maison. Papa sera ravi d'avoir un autre garçon avec lui, je le rends complètement dingue. Mais pourquoi tu m'as pas appelée bon sang ? » Assailli de questions, Ezra mit un moment à rassembler ses idées. Par où commencer? Ce n'était peut-être pas le meilleur endroit pour tout déballer. Et puis ces lumières, cette musique et le contact de la peau de BB contre la sienne ne l'aidaient vraiment pas. Doucement, il commença par repousser la main de la jeune fille. Il ne voulait pas la froisser mais si il voulait être cohérent, il fallait qu'il mette toutes ses sensations qui le submergeaient de côté. Lui non plus n'avait pas pensé qu'après tout ce temps, elle saurait encore le mettre sans dessus dessous. Cette attirance qu'il croyait être dû aux hormones de l'adolescence était peut-être due à autre chose finalement. Soudain il prit une nouvelle profonde inspiration avant de commencer. « Tu sais, ce n'est peut-être pas le meilleur endroit pour en parler. Mais ne t'embête pas avec ça, j'ai un toit au dessus de ma tête et je gagne assez d'argent pour me payer toutes les fringues que je veux. » Avec cette plaisanterie, il aurait peut-être pu convaincre une chèvre que tout allait bien dans sa vie. Et encore. Mais BB, elle, était actrice, on ne lui faisait pas le coup. Elle n'avait pas besoin de dire quoi que ce soit, Ezra savait d'avance qu'elle n'en croirait pas un mot. C'est pourquoi, après avoir jeté un œil autour de lui afin de vérifier que personne ne pouvait les entendre, il ajouta. « C'est Nathaniel. Il a fait une connerie et c'est retombé sur moi. J'ai peut-être dit un truc qu'il fallait pas et ça a énervé mes parents. » Le mot énervé était plutôt faible au vu de la réaction qu'avait eu ses parents. Tout comme le mot «connerie». Sauf si on pouvait qualifier une overdose de drogue de simple connerie. Ce qui n'était sans doute pas le cas.

Alors qu'Ezra repoussait doucement sa main, BB la laissa retomber le long de son corps avant de la ranger derrière son dos comme si elle s'était brûlée ou autre chose. Elle était un peu déçue qu'elle ait repoussé sa main mais elle n'en montra rien, préférant se concentrer autant qu'elle le pouvait sur ce qu'il se disait. Elle ne voulait pas se sentir vexée, elle n'avait aucune raison de l'être mais son amour propre était bien douloureux pourtant. Elle s'en voulait parfois d'être aussi orgueilleuse, cela s'avérait plus handicapant qu'il n'y paraissait. C'était stupide, puérile, futile. Ce n'était pas digne d'elle, elle devait faire mieux que ça. Elle avait changé, elle avait mûri. Elle ne pouvait pas réagir comme une vulgaire collégienne.

« Tu sais, ce n'est peut-être pas le meilleur endroit pour en parler. Mais ne t'embête pas avec ça, j'ai un toit au dessus de ma tête et je gagne assez d'argent pour me payer toutes les fringues que je veux. »

BB afficha une moue boudeuse. Est-ce qu'il la prenait réellement pour une idiote ? Non, certainement pas. Est-ce qu'il essayait de la ménager ? Non, c'était lui-même qu'il essayait de ménager, sans aucun doute. Il craignait quelque chose: son regard, sa réaction ? Ou la simple vérité. Elle n'en savait rien. Mais elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter malgré tout. Ezra et elle avaient grandi dans des familles aisées. Ils n'étaient spécialement habitués à se débrouiller par eux-même, du moins elle ne l'était pas. Et elle savait ce que c'était de se retrouver soudain livrer à soi-même, à la différence près qu'elle avait eu un soutien financier conséquent, ce qu'elle supposait ne pas être le cas d'Ezra. Elle savait qu'elle n'obtiendrait plus grand chose de lui, pas ici. Et elle devait avouer qu'elle n'avait pas spécialement envie de le cuisiner au milieu de cette foule avide de s'en mettre plein les oreilles.

« C'est Nathaniel. Il a fait une connerie et c'est retombé sur moi. J'ai peut-être dit un truc qu'il fallait pas et ça a énervé mes parents. »
« Mais... quelle genre de connerie ? Je comprends pas bien ce que ton frère aurait pu faire et que ce soit toi qui trinque. Tu m'intrigues, là Ad...Ezra. »

Elle se mordilla la lèvre, songeuse. Elle ne comprenait pas vraiment ce qu'il voulait dire par là. Il parlait par euphémisme, elle le savait mais pour cacher quoi au juste. Elle l'attira dans un coin un peu plus reculé et plus sombre. Il pourrait parler sans crainte désormais. Personne ne faisait vraiment attention à eux ici et personne ne se trimballait dans le coin. Ils n'auraient donc plus aucun soucis d'espionnage.

Maintenant qu'il avait repoussé la main de BB, Ezra le regrettait énormément. La présence de la jeune femme le confortait en un sens mais, étrangement, elle avait le don de le rendre à la fois plus fort et plus faible. Il se sentait en effet infiniment plus fort que n'importe quelle autre personne lorsqu'elle était à ses côtés mais également tellement faible lorsqu'elle posait ses yeux sur lui. Ces sensations avaient tendance à le perturber. Il aurait parfois voulu que ce soit plus simple entre eux. Seulement voilà, rien n'avait jamais été simple entre BB et Ezra. Et, au fond, seraient-ils restés aussi proches si cela avait été le cas? Rien n'était moins sûr. C'était comme ça qu'ils fonctionnaient tous les deux.

« Mais... quelle genre de connerie ? Je comprends pas bien ce que ton frère aurait pu faire et que ce soit toi qui trinque. Tu m'intrigues, là Ad...Ezra. » Ezra baissa ses yeux. BB avait vu juste lorsqu'elle avait pensé que la raison pour laquelle il tournait autour du pot depuis presque dix minutes était lié au fait qu'il cherchait à se ménager lui-même. Même si cela faisait désormais plusieurs mois que cela s'était passé, le prononcer à haute voix rendrait les choses encore plus réelles. Et il ne voulait pas, c'était trop difficile. Dieu sait comme il haïssait son frère depuis toujours. Et pourtant, la nouvelle de sa perte l'avait bouleversé, complètement déboussolé. Il avait eu l'impression qu'on lui arrachait une partie de lui-même, ce soir-là. Et il en avait voulu à ses parents et avait dépassé les limites, selon eux. Mais comment un gamin de vingt ans et censé encore savoir où sont les limites lorsqu'il vient de perdre son frère? Ezra lui-même ne comprenait pas comment on pouvait regretter autant une personne qu'on avait tout autant détestée. Alors comment aurait-il pu l'expliquer à BB? Pourtant, il devait être honnête avec elle. Et apprendrait bien un jour ce qu'il s'était passé, malgré les efforts et les mensonges fournis par les parents d'Ezra afin de dissimuler toute l'affaire.

Finalement, avant qu'il ait trouvé le courage de parler, Ezra fut attiré dans un coin de la boîte par BB. En effet, il n'y avait plus personne autour d'eux. Et la musique et les néons semblaient avoir perdus de leur intensité. Ezra retrouva un peu de courage et, après avoir poussé un long soupir et vérifié une dernière fois que personne ne pouvait l'entendre, il finit par lâcher: « Il a fait une overdose et est tombé dans le coma. Mais il n'y avait rien à faire... » Il s'interrompit une seconde, histoire de laisser à BB le temps de comprendre. Il n'arrivait pas à avouer clairement que son frère était mort mais elle était assez intelligente pour comprendre que son overdose lui avait été fatale. Après une brève pause, il reprit: « Mes parents ont voulu faire passer ça pour un malaise cardiaque. Et tu sais comme mon père est capable de tout pour parvenir à ses fins. » Nathaniel avait toujours eu des problèmes de cœur, c'était d'ailleurs cela qui l'avait poussé à vouloir faire médecine. Ezra supposa que BB s'en souviendrait et il n'avait donc pas jugé utile de le repréciser. « Un jour, j'ai dit à mes parents que c'était eux les responsables. Que leur insupportable désir de perfection absolue avait poussé Nate à faire ça. Ils ont trouvé ça plutôt mal venu de ma part, puisqu'ils pensaient que c'était moi qui avait poussé Nate à se droguer. » Ezra s'interrompit. La haine se mêlait à la tristesse, dans sa voix comme sur son visage. Il détourna une nouvelle fois la tête et ne prononça plus un mot. Cette histoire le rendait malade.

« Il a fait une overdose et est tombé dans le coma. Mais il n'y avait rien à faire... Mes parents ont voulu faire passer ça pour un malaise cardiaque. Et tu sais comme mon père est capable de tout pour parvenir à ses fins. » Il fit une petite pause puis reprit: « Un jour, j'ai dit à mes parents que c'était eux les responsables. Que leur insupportable désir de perfection absolue avait poussé Nate à faire ça. Ils ont trouvé ça plutôt mal venu de ma part, puisqu'ils pensaient que c'était moi qui avait poussé Nate à se droguer. »

BB resta sans voix un bon moment, choquée par la nouvelle. Elle ne s'attendait pas à ça, pas du tout. Elle s'attendait plus à un sale tour qu'il avait joué à son frère et dont il devait affronter les conséquences. Ca n'avait jamais été le grand amour entre les deux frères. Elle ne s'était pour sa part jamais mêlée de cette querelle mais il était certain qu'elle n'était pas aussi proche de Nathaniel qu'elle l'était de Ezra. Mais il n'avait jamais rien fais pour qu'elle le déteste et par conséquent, ils étaient en bon terme bien que pas vraiment proches. Alors apprendre qu'il était mort d'une overdose... Et le mal manifeste que cette affaire avait fait à Ezra lui fendait le coeur. D'aussi loin qu'elle se souvienne, Ezra avait toujours eu des rapports difficiles avec son aîné mais elle n'avait jamais douté qu'il l'aimait à sa façon. Et lui aussi s'en était rendu compte de la plus terrible manière qui soit.

« Oh Adriel... »

Elle n'avait pas pu faire autrement que de l'appeler comme ça. C'était comme ça qu'elle le voyait. Comme le petit garçon qu'elle avait toujours connu. Il lui prit doucement la main et l'attira dans ses bras pour le serrer contre elle. Peu importe les apparences, peu importe les autres, le reste. Il avait besoin d'elle. Elle n'avait pas été là quand il fallait mais elle était là maintenant. Elle ne pouvait pas rester de marbre face à sa souffrance. Elle ne l'avait jamais pu avec qui que ce soit, encore moins avec lui. Elle se souvenait de toutes les fois où leurs petits paris puériles les avaient conduits à des dommages souvent physiques. Chaque fois elle avait patiemment pris soin de lui et l'avait soigné. Ce soir, c'est son coeur qu'elle devait soigner. Et elle allait y mettre beaucoup de soin comme d'habitude. Elle ne lésinerait pas sur le moyen car rien n'était trop beau pour lui faire retrouver le sourire. Elle s'en voulait de l'avoir laissé en proie à cette douleur seul, ici.

« Tu aurais dû me le dire ! »

Elle avait froncé les sourcils mais n'était nullement en colère. Elle lui en voulait simplement de ne pas lui avoir confié cela. Elle serait très vite rentrée, c'était certain. BB ne l'aurait jamais laissé se débattre seul avec ça, surtout en apprenant que ses parents l'avaient jeté dehors. Elle en venait à ne plus les apprécier du tout. Ces gens étaient encore pires que ce qu'elle pensait avant. Mais elle ne laisserait pas les choses se passer comme ça. Elle était rentrée et tout le monde allait bientôt le savoir. Eux les premiers, ces sales menteurs. Elle prit le visage d'Ezra entre ses mains pour le forcer à la regarder, lui caressa doucement la joue du pouce.

« Ce n'est pas ta faute, tu m'entends ? Rien n'est de ta faute. Si quelqu'un est coupable, ce sont tes parents. Et personne d'autre. Ils ont échoué dans leur rôle et ce n'est en rien de ta faute. Ne laisse personne te dire le contraire... »

Ezra ne releva pas le fait que BB l'appelle Adriel. Après tout, il ne pouvait s'empêcher de le rester encore un peu. Même si il avait bien changé, au fond de lui, il restait toujours un peu le gamin qu'il était avant qu'elle ne quitte Adélaïde. Ce jeune homme indépendant et sûr de lui qu'il semblait être devenu n'était qu'une facette. BB l'avait percé à jour, comme elle avait toujours su le faire. Cette fois-ci, lorsque BB l'entraîna à elle, il ne se défila pas. Il se laissa faire et enfouit son visage dans le cou aux effluves de rose de la jeune femme. Lentement, il sentit un peu de sa peine disparaître. Elle avait toujours eu le don de panser ses blessures, qu'elles soient physiques ou morales. Et Ezra était soulagé de voir qu'elle n'avait pas perdu ses habitudes à Los Angeles. « Tu aurais dû me le dire ! » Une nouvelle fois, il détourna le regard. Oui, il aurait pu. Il aurait peut-être du. Il y avait d'ailleurs pensé, un moment. Il voulait l'appeler pour tout lui raconter et lui dire à quel point elle lui manquait. À quel point il avait besoin d'elle. Mais certaines choses n'étaient pas faciles à avouer. Et il ne voulait certainement pas paraître égoïste en la faisant culpabiliser de l'avoir laissé seul ici. C'est pourquoi il avait préféré se taire en espérant qu'elle lui revienne le plus rapidement possible. Qu'elle lui revienne et qu'elle ne l'abandonne plus. Mais jamais il ne l'aurait avoué de vive voix.

Lorsque BB lui prit le visage entre les mains, Ezra fut forcé de relever les yeux. La BB qu'il avait connue était bien de retour. Malgré tout ce qu'il avait pu lire ou entendre durant son absence, la jeune femme qui se trouvait devant lui était bel et bien son amie de toujours. Et elle semblait déterminée à le prouver. Rien d'étonnant là-dedans, elle l'avait toujours été, déterminée. « Ce n'est pas ta faute, tu m'entends ? Rien n'est de ta faute. Si quelqu'un est coupable, ce sont tes parents. Et personne d'autre. Ils ont échoué dans leur rôle et ce n'est en rien de ta faute. Ne laisse personne te dire le contraire... » Ça semblait si simple venant de sa bouche. Mais Ezra se sentait coupable, quoiqu'on en dise. Il avait su dès le début que Nathaniel se droguait. Et il n'avait rien fait. De toute façon, qui l'aurait cru? BB sans doute. Qui d'autre? Personne. Son frère était pour tous un modèle de vertu. « J'ai toujours su. J'ai toujours su qu'il se droguait. Et je n'ai rien dit... » Il posa sa main droite sur la gauche de BB. Comme pour la retenir, afin qu'elle ne la retire pas de sa joue. Puis il ferma les yeux. Il était partagé entre l'envie de profiter de ce moment pour soulager son cœur et sa conscience et l'envie de fuir loin de cette boîte, de cette musique trop bruyante, de ces néons aveuglants et surtout de BB. Parce qu'il ne voulait pas se montrer vulnérable devant elle. Fierté mal placée, sans doute. Après quelques secondes de silence, il reprit la parole. « Tu sais le pire? C'est que je crois que je les comprend... » Par "les" il sous-entendait bien sûr ses parents. Ils avaient toujours vu en Nathaniel le fils parfait, l'enfant prodige. Tous leurs espoirs étaient fondés sur lui. À côté de ça, ils avaient un autre fils qui ne faisait rien à l'école et passait son temps à fumer des joints enfermé dans sa chambre où à traîner avec la même gamine, encore et toujours. Et puis il y avait Isobel. Mais elle était de dix ans la cadette d'Ezra. Autant dire qu'elle n'était pas encore assez âgée pour pouvoir commencé à réaliser les rêves de ses parents, lorsque le drame était arrivé. Ils avaient donc tout perdu en perdant Nathaniel. Et Ezra n'avait fait que retourner le couteau dans la plaie en les accusant. Réouvrant les yeux, il les planta dans ceux de BB. Comment faisait-elle pour le faire parler ainsi? Elle le troublait, et cela avait toujours été le cas. Son cœur battait indéniablement plus vite lorsqu'il croisait son regard ou frôlait sa main. Ce qu'il pensait avoir été des délires d'ado étaient loin de lui être passés...

« J'ai toujours su. J'ai toujours su qu'il se droguait. Et je n'ai rien dit... »

BB eut plus de mal à se concentrer lorsqu'Ezra vint poser sa main sur la sienne. C'était une sensation drôlement agréable, qui lui remonta le long du bras pour irradier tout son corps. Elle cligna des yeux, un peu hébété. Elle recommençait à réagir comme une gamine. Oh Seigneur, pourquoi est-ce que son coeur se mettait à battre comme ça, de manière désordonnée ? Elle était contente qu'il fasse un peu sombre ce soir et d'avoir mis du blush. On ne verrait pas ainsi qu'elle avait sans doute commencé à rougir un peu, comme une collégienne. C'était pathétique. Elle avait connu d'autres hommes ici ou à Los Angeles, elle n'était plus une enfant, du moins elle aimait à le croire. Elle n'était plus naïve quoiqu'encore assez romantique. Alors pourquoi est-ce qu'elle réagissait comme une pauvre petite vierge effarouchée ? Qu'elle pouvait être stupide quand elle s'y mettait ! Et pourtant, elle ne pouvait pas nier que son seul contact la mettait dans tous ses états. Elle était heureuse. Heureuse de sentir que malgré tous, ils étaient restés les même. Comme des enfants.

« Tu sais le pire? C'est que je crois que je les comprend... »
« Non ! Rien ne dit que tu aurais pu le dissuader ! Mais ce n'est pas toi qui l'y a poussé, tu n'as rien à te reprocher. Tu n'es pas le responsable.. »

De son autre main, elle lui serra le bras un peu plus fort pour donner du poids à ses propos. Elle refusait catégoriquement qu'il endosse la responsable de la mort de son frère. Il n'y était pour rien. Les événements et l'environnement avaient joué contre eux, leurs parents n'avaient pas su agir en tant que tel et tout le monde en payait les pots cassés sauf eux. Mais elle refusait que cela se passe ainsi. BB ne voulait pas qu'Ezra se dénigre, qu'il oublie à quel point il était exceptionnel. Après le nombre de foi où il s'en était vanté, elle ne le laisserait pas l'oublier, ça non. Plutôt la faire marcher sur des charbons ardents. Et Dieu sait que BB était têtue comme pas deux. Quand elle avait une idée en tête, elle ne l'avait pas ailleurs. Elle poussa malgré elle son regad sur ses lèvres. Oh, elle aurait voulu les embrasser en cet instant mais ce n'était pas raisonnable. Elle releva précipitamment les yeux, se racla la gorge et refit glisser sa main de sa joue à son avant-bras.

« Tout ira bien maintenant, je te le promets. Je suis là et je compte bien rester. Ce sera toi et moi, comme au bon vieux temps... »

« Non ! Rien ne dit que tu aurais pu le dissuader ! Mais ce n'est pas toi qui l'y a poussé, tu n'as rien à te reprocher. Tu n'es pas le responsable... » C'était vrai, Ezra n'aurait pas pu dissuader son frère de se droguer. Il n'aurait pas pu le dissuader de faire quoique ce soit d'ailleurs. Son frère n'écoutait que lui et les gens qui lui disaient ô combien il était fabuleux. Mais il aurait pu en parler à ses parents. L'auraient-ils cru cependant? Rien n'était moins sûr. Il était forcé de l'admettre, peut-être que, finalement, BB avait raison. Il devait cesser de se culpabiliser pour la mort de son frère et avancer. Cela était néanmoins plus facile à dire qu'à faire. Mais il allait essayer, il s'en sentait capable maintenant qu'il avait BB à ses côtés. Ils avaient toujours été amis, pour le meilleur et pour le pire. Malgré les difficultés, ils avaient toujours réussi à tout surmonter. Parce qu'ils étaient ensemble. Et ça, c'était plus important que tout le reste.

Ezra ne remarqua pas le regard de BB posé sur ses lèvres mais il décela son trouble à son raclement de gorge et au déplacement de sa main. Lorsqu'elle amorça d'ailleurs ce geste, il en profita pour retirer précipitamment la sienne. Vu de l'extérieur, tout ça ne paraissait absolument pas normal. Ce n'était pas les gestes de simples amis. Mais BB et Ezra avaient-ils seulement un jour été de simples amis? Non, tout avait toujours été compliqué. Un challenge. C'était un peu ainsi qu'on pouvait décrire leur relation. Chaque jour consistait en un nouvel effort, c'était à qui mériterait le plus l'attention de l'autre. Cela en devenait presque malsain. Mais Ezra adorait ça, cette atmosphère particulière qui régnait entre eux. Et il était presque certain que ça plaisait tout autant à BB. « Tout ira bien maintenant, je te le promets. Je suis là et je compte bien rester. Ce sera toi et moi, comme au bon vieux temps... » Comme au bon vieux temps. C'était bien vrai, rien n'avait changé. Elle n'avait pas changé. Tout aurait été plus facile, cependant, si un seul regard n'avait pas suffit à les replonger dans le passé. Ezra se surprit à penser qu'il aurait voulu que leur éloignement change quelques choses à ses sentiments. Au moins à ceux qui le dérangeaient, ceux qui le rendaient inévitablement plus faible. Mais il n'en était rien.

Reprenant ses esprits, il se racla la gorge à son tour et se passa la main dans la nuque, comme il le faisait lorsqu'il était mal à l'aise. Mais il se reprit très rapidement et esquissa un sourire à l'attention de BB. « Merci BB. » Il n'avait rien besoin de dire de plus. L'expression de son visage traduisait tout. Sa reconnaissance envers BB et la joie de son retour à Adélaïde. Doucement, il s'approcha d'elle et posa un baiser sur son front, puis se recula lentement. Après quelques secondes, il jeta un œil autour d'eux et décida qu'il était temps de sortir de leur cachette. « Ça te dirait pas qu'on aille boire un verre? » Il en aurait bien eu besoin, de ce verre. Puis quitter cet endroit isolé et rejoindre la foule lui éviterait de faire quoique ce soit de fâcheux. Néanmoins, il attendit la réponse de BB avant de bouger.

Une certaine tension s'était installée, BB le sentait. Mais elle ne savait pas comment y remédier. Cette tension avait commencé à apparaître pendant leur adolescence, elle était ce qui avait tout compliqué entre eux, faisant prendre un tour particulier à leur relation, ce jeu de force malsain. Mais elle ne savait pas comment y mettre fin. Pire que ça, elle y avait pris goût. Cette sensation de perdre pied, l'adrénaline qui grignote chaque parcelle de son corps, cette façon de dépasser tout le temps les limites... C'était follement excitant et elle aimait ça plus qu'elle ne voulait bien l'admettre. Elle ne voulait pas arrêter ça, pour rien au monde. Quand bien même Ezra et elle avaient pu se disputer avec ça ou bien s'étaient attirés des ennuis, ils étaient complètement accros à ce jeu. Simplement ce jeu ? C'était plus facile de ne pas y penser. C'était... c'était... son raisonnement se perdit dans les limbes lorsqu'Ezra l'embrassa sur le front.

« Merci BB. »

Elle eut un faible sourire et passa une de ses mèches derrière son oreille. Elle avait peur que sa voix trahisse ce qui se tapissait au fond d'elle et qui gonflait un peu plus chaque fois qu'il la touchait. Elle se sentait débordante d'émotions, un peu comme ce qu'elle pouvait lire sur le visage d'Ezra. Ils avaient ce lien privilégié que la distance n'avait pas pu brisé. Au contraire, c'est comme si au lieu de creuser un fossé, elle avait renforcé leur connexion. Etait-ce un mal ou un bien ? BB n'en savait rien. Elle ne savait pas à quel point cela pouvait être important, si c'était inquiétant ou non. Elle préférait ne pas y penser, prendre seulement le risque de vivre ça était largement suffisant. Il avait instauré un peu de distance entre eux. Elle avait eu envie de la combler lorsqu'il avait repris la parole.

« Ça te dirait pas qu'on aille boire un verre? »

BB eut un froncement imperceptible de sourcils mais se reprit très vite. Elle ne tenait pas vraiment à le partager. Maintenant moins qu'avant même. Elle prit une moue songeuse et coula un regard en direction de la salle. Il était temps de mettre un peu de piment là-dedans. Il avait cassé ce petit moment privilégié et il n'allait pas s'en sortir comme ça. BB n'aimait pas que les choses prennent un tour qui n'était pas celui qu'elle avait souhaité. Elle aimait avoir le contrôle mais surtout, elle aimait obtenir ce qu'elle voulait. Et pour l'heure, si elle ne savait pas ce qu'elle voulait exactement, elle savait qu'il le lui avait refusé pour l'heure. Tout se paie.

« Vraiment ? Hmm, je pense que peut-être je peux me faire offrir un verre, par ce mec là-bas, voire plus. Tu le vois, là ? Le surfer super canon... »

Elle se tourna vers lui avec un sourire. Ce sourire qui la caractérisait si bien. Il semblait innocent mais tout dans son regard trahisait son désir de le provoquer. Il allait devoir peser comme il faut le pour et le contre avant de la ramener là-bas. Elle n'hésiterait certainement pas à mettre à exécution sa menace sous-jacente: finir la soirée avec ce beau mâle. La balle était dans le camp d'Ezra. Il n'avait pas intérêt à se tromper...

Il le savait. Il savait d'avance que BB risquait de ne pas apprécier le fait qu'il tente de lui échapper. Qu'il ose ne plus lui réserver l'exclusivité de sa compagnie. Il aurait pu trouver n'importe quelle excuse que ça ne lui aurait sans doute pas plu. Mais il n'avait pas pu s'en empêcher. Quelques minutes de confidences et de caresses de plus et il n'aurait certainement plus pu répondre de ses actes. Elle avait attendu quelques secondes avant de lui répondre. Mais avant même qu'elle n'ouvre la bouche, alors qu'elle semblait chercher quelque chose dans la salle, il avait compris. L'air qu'elle affichait ne présageait rien de bon. « Vraiment ? Hmm, je pense que peut-être je peux me faire offrir un verre, par ce mec là-bas, voire plus. Tu le vois, là ? Le surfeur super canon... » Ça y est, le jeu avait recommencé. Et de la pire manière qu'il soit. Ou de la meilleure. BB mettait les sentiments d'Ezra à son égard à l'épreuve. Si il savait qu'elle avait eu bien des amants, il ne pouvait nier que l'entendre avoir ces propos le mettait hors de lui. Et pas qu'un peu. Il sentit soudainement le feu lui monter au visage. Si BB était plutôt de nature possessive, l'imaginer avec un autre gars rendait Ezra complètement fou. Malgré tout, il tenta de paraître le plus calme possible. Le voir se mettre dans tous ses états procurerait à BB un plaisir bien trop intense pour qu'il puisse se le permettre. Rien que ça serait déjà une victoire pour elle. Et cette fois elle ne gagnerait pas.

Alors qu'il bouillonnait de l'intérieur, BB souriait. À la voir ainsi, sans la connaître, on lui aurait donné le bon Dieu sans confession. Mais Ezra la fréquentait depuis bien longtemps et savait pertinemment de quoi elle était capable. Et elle ne faisait jamais de promesse en l'air. « Très bien. Mais si je peux te donner un conseil, évite de coucher avec lui, c'est pas vraiment un bon coup. » De cette façon, Ezra espérait intriguer BB. Il ne connaissait pas vraiment ce type et il n'avait jamais pris de cours de théâtre ou fait du cinéma. Mais bien qu'il pouvait difficilement cacher son mal-être à BB, il savait comment la baratiner sur d'autres sujets. Après avoir marqué une pause assez longue pour qu'elle ait le temps d'y penser mais insuffisante pour qu'elle ait le temps de filer, il reprit. « Si tu veux, je peux même te le présenter. On a été plutôt proches tous les deux... » Sourire en coin, il fit mine de réfléchir. Comme si il tentait de se souvenir de cette fameuse nuit qu'il venait d'inventer de toute pièce. Ezra avait toujours clamé devant la jeune femme qu'il n'avait aucun problème avec l'idée de partager ses draps avec des mecs. Mais il n'était jamais passé à l'action avant le départ de BB. Et si ce n'était certainement pas avec ce fameux surfeur, c'était aujourd'hui le cas. Il ne pouvait pas en être certain, mais il espérait au moins que ce sous-entendu hasardeux dérange sa partenaire de jeu.

« Très bien. Mais si je peux te donner un conseil, évite de coucher avec lui, c'est pas vraiment un bon coup. »

BB eut un clignement d'oeil hébété, ce qui dans le cas présent équivalait à un hurlement d'incompréhension. Elle aurait tout aussi bien pu se décrocher la machoire sous l'effet du choc de ce qu'elle allait sans doute comprendre. Est-ce qu'il était en train de dire qu'il avait couché avec ce type ? Oh beurk, elle ne voulait pas penser à ça... Non pas que la bisexualité la répugne, simplement elle ne supportait pas d'imaginer Ezra avec quelqu'un, y compris si c'était un homme. Ca la mettait tout aussi bien hors d'elle. Le jeu avait repris sur les chapeaux de roue. En l'espace de quelques secondes, il avait réussi à renverser le rapport de force. Les vieilles habitudes ont la vie dure, ils avaient retrouvé leurs automatismes en un rien de temps, s'en était presque effrayant d'ailleurs.

« Si tu veux, je peux même te le présenter. On a été plutôt proches tous les deux... »

Elle portait une main à son coeur en se mordant les lèvres. Mais c'est qu'il insistait en plus, le cochon !

« N'y compte même pas ! Parce que tu crois vraiment que j'ai envie de coucher avec les même mecs que toi ? Beuuuurk ! En plus, j'ai bien meilleur goût que toi, c'est bien connu. »

Un sourire narquois fleurit sur son visage. Ce n'était qu'en cet instant qu'elle se rendait compte de ce qui lui avait manqué aux Etats-Unis et de combien ce jeu lui avait manqué. Une blague, une masquarade, une supercherie, une fiction. Voilà ce qu'avait été sa vie à Hollywood. Il n'y avait rien de plus vrai et tangible qu'ici, qu'Ezra et leur jeu, que la vie qu'elle avait toujours mené ici. C'était la seule réalité pour laquelle elle était née. C'était la seule pour laquelle elle était faite. Et elle n'allait plus jamais la laisser lui échapper. Elle était prête à se remettre sur les rails, une bonne fois pour toute. Et Ezra allait en faire les frais, qu'il le veuille ou non.

« Tu te serais pas tapé toute la ville pendant mon absence pas vrai ? Si ? Ah non, tu me déçois là, t'es ce genre de mec ? Très bien, on va faire simple alors... Voyons voir mon téléphone... »

Elle trifouilla dans son sac pour trouver son précieux objet. Ce qu'elle faisait ? Rappeler une de ses conquêtes, chose qu'elle n'avait absolument jamais fais mais elle s'en foutait pas mal. Il n'y avait que des hétéros, elle en était certaine. Personne avait qui Ezra aurait pu fricoter en son absence puisqu'il ne pouvait en voir aucun en patûre. Il ne pourrait certainement pas supporter de le voir ce soir non plus et elle comptait bien sûr cela pour se venger. Elle trouvait enfin le numéro qu'elle voulait et poussa un cri victorieux avant de composer le numéro. Elle n'eut pas à atteindre beaucoup avant qu'une fois ne se fasse entendre à l'autre bout du fil.

« Allo, Lachlan ?... Ouais, c'est moi ! Ca va ?... Ouais, dis t'es libre là tout de suite ?... Cool ! Chuis à l'Exodus alors si tu veux passer... Chuis sûre qu'on a pleins de bons souvenirs à se remémorer... »

Elle coula un regard mauvais dans la direction d'Ezra. C'était puéril mais c'était tout elle.

Voyant que sa supercherie avait eu l'effet désiré, Ezra se sentit tout à coup très fier de lui. Elle avait voulu le tester, il avait su trouver les mots justes pour la déstabiliser. C'était parfait, le jeu avait recommencé et Ezra avait rapidement su le tourner à son avantage. Il ne put empêcher un large sourire de s'étaler sur son visage. Malgré leur séparation, ils n'avaient pas perdu la main, l'un comme l'autre. Et le jeu promettait même d'être encore plus excitant qu'avant. Ezra se surprit même à laisser échapper un petit éclat de rire lorsque BB porta une main à son cœur. Elle n'était pas actrice pour rien. « N'y compte même pas ! Parce que tu crois vraiment que j'ai envie de coucher avec les même mecs que toi ? Beuuuurk ! En plus, j'ai bien meilleur goût que toi, c'est bien connu. » Sa réponse fit sourire Ezra, encore une fois. Si elle connaissait réellement ses goûts, peut-être n'aurait-elle pas dit ça.

Un sourire narquois apparut sur le visage de BB et celui d'Ezra disparut progressivement. Il savait que la demoiselle n'allait pas baisser les bras aussitôt. La soirée promettait d'être longue et riche en sensations. En tout cas, Ezra aimait ça, jusqu'à présent du moins. Même si il savait qu'il risquait de déchanter à tout moment. Depuis qu'il s'était retrouvé à la rue, sans rien, il avait pris la décision de vivre au jour le jour. Non, à la minute où celle-ci se présentait, sans penser à rien d'autre. Et là, tout ce qui comptait, c'était la présence de BB et la reprise de leurs bonnes vieilles habitudes. Alors son égo allait peut-être passer un mauvais moment mais au fond ça n'avait aucune importance. Lorsque BB reprit la parole, avec d'avantage encore de malice dans la voix, Ezra avait toujours l'ombre d'un sourire aux lèvres. « Tu te serais pas tapé toute la ville pendant mon absence pas vrai ? Si ? Ah non, tu me déçois là, t'es ce genre de mec ? Très bien, on va faire simple alors... Voyons voir mon téléphone... » Ezra regarda BB fouiller dans son sac pour finalement en sortir son portable. Et soudain, il ne sourit plus du tout. Alors qu'elle composait un numéro qu'il ne pouvait pourtant pas voir et qu'il n'aurait d'ailleurs pas reconnu, il savait déjà ce qu'elle se préparait à faire. Et cela le rendit malade d'avance. « Allo, Lachlan ?... Ouais, c'est moi ! Ca va ?... Ouais, dis t'es libre là tout de suite ?... Cool ! Chuis à l'Exodus alors si tu veux passer... Chuis sûre qu'on a pleins de bons souvenirs à se remémorer... » Ah, comme elle devait se sentir forte. Comme voir le visage d'Ezra se décomposer devait faire plaisir à BB. C'est du moins ce dont Ezra était presque certain. Il se souvenait bien de ce fameux Lachlan. De là à dire qu'il avait envie de le voir se pointer à l'Exodus, il y avait une marge. En effet, le courant n'était jamais passé entre les deux jeunes hommes. Mais était-il déjà passé entre Ezra et un autre petit ami de BB? Il aurait eu beau chercher des heures que la réponse aurait sans doute toujours été non. Ce n'était pas la faute d'Ezra si BB ne savait pas choisir de petit ami correct.

Quoiqu'il en soit, il n'avait vraiment pas envie de partager BB avec l'un de ses ex et encore moins de la laisser se pendre à son bras. Sans réfléchir, il attrapa le téléphone de BB. « Hé Lachlan! Ouais c'est Adriel, tu te souviens de moi j'en suis certain. Dis-moi, que dirais-tu de laisser les vieux souvenirs de côté et de rester chez toi? D'accord? Rend toi service. » Puis il raccrocha et enfouit le portable de BB dans la poche arrière de son jeans. Il s'était exprimé très calmement mais n'avait pas desserré la mâchoire une seule seconde. Néanmoins, une fois que BB ne fut plus en mesure de passer en revue le répertoire de ses ex, il afficha un léger sourire avant de se pencher vers son amie et lui attraper doucement le menton entre son pouce et son index. Puis, rapprochant lentement son visage du sien, il lui dit: « Alors comme ça tu penses avoir le droit de ramener ton harem ici alors que je ne peux même pas aller commander un verre à l'une de ces jolies barmaids? Désolée chérie mais il va falloir revoir tes plans. » Ezra avait du mal à conserver son effet alors qu'il était si proche de BB mais il tint bon, cependant.

Quelle doux sentiment de plaisir envahit BB lorsqu'elle vit le visage d'Ezra se décomposer au fur et à mesure de son coup de fil. Il était tout bonnement à croquer... Elle en aurait ri si elle n'était pas aussi occupée à faire venir l'une de ses anciennes relations ce soir. Mais elle ne pouvait retenir le sourire qu'elle arborait. Elle transpirait l'auto-satisfaction pour changer. Elle savait que le jeune homme ne supportait pas les mecs qu'elle avait pu fréquenté, qu'elle soit sortie avec ou non. Ca avait le don de le mettre hors de lui et c'est ce qu'elle cherchait à faire en ce moment: le punir et le mettre hors de lui. Mais, toute contente qu'elle était, elle n'eut pas le temps d'anticiper le geste d'Ezra. Déjà il lui arrachait son téléphone et le collait à son oreille.

« Hé Lachlan! Ouais c'est Adriel, tu te souviens de moi j'en suis certain. Dis-moi, que dirais-tu de laisser les vieux souvenirs de côté et de rester chez toi? D'accord? Rend toi service. »

BB écarquilla quelque peu les yeux tandis que son iphone disparaisse dans la poche arrière du pantalon d'Ezra. Elle pouffa malgré elle et se mordit la lèvre pour ne pas céder à son hilarité. Elle ne cilla pas lorsqu'il immobilisa son menton entre deux de ses doigts. Elle ne le quitta pas des yeux alors qu'il approchait doucement son visage du sien. Elle sentit son coeur recommencer à battre à peu plus vite, doucement. C'était agréablement excitant et elle mourrait d'envie de pousser le jeu encore plus loin.

« Alors comme ça tu penses avoir le droit de ramener ton harem ici alors que je ne peux même pas aller commander un verre à l'une de ces jolies barmaids? Désolée chérie mais il va falloir revoir tes plans. »

BB rit cette fois. Elle laissa son regard s'attarder un moment sur les lèvres d'Ezra, sans s'en cacher cette fois avant de lever à nouveau les yeux vers les siens. Elle se rapprocha encore davantage de lui, à tel point qu'il était un peu plus compliqué de soutenir son regard. Il la provoquait ouvertement. Il savait comment la rendre folle, lui faire perdre les pédales mais elle savait aussi comment le prendre de court. Elle avait l'art et la manière de se montrer destabilisante parfois et elle aimait ça. Elle aimait ce sentiment de pouvoir et de contrôle qu'elle pouvait exercer sur les gens, elle aimait se sentir insaisissable même si ce n'était que pour l'espace d'un instant et là c'était pleinement excitant. Ce jeu, cette proximité, cette intimité... Elle s'approcha encore, frôla son nez du sien , faisant glisser son doigt le long de sa machoîre. Elle murmura alors d'une voix suave:

« Je...ne...partage...pas... »

Elle ponctua chacune de ses phrases par une nouvelle caresse. Un nouveau sourire de défi fleurit sur son visage.

« Alors qu'est-ce que tu comptes faire ? Fais bien attention... un mauvais choix pourrait être... dangereux... »

Bon alors d'accord, cette fois, l'effet escompté n'avait pas vraiment eu lieu puisque cela fit plus rire BB que l'énerver. Néanmoins, Ezra constata avec une excitation grandissante que ces paroles avaient au moins eu un effet sur BB qui sembla enfin se désintéresser de ce qu'il passait autour d'eux ou dans le reste de la ville pour restée concentrée sur Ezra. Finalement, c'était même mieux que ce à quoi il s'attendait. Et ce même si il avait de plus en plus de mal à se contenir. Alors que le regard de BB se posait sur les lèvres d'Ezra, celui-ci fut soudain tenter de céder à la tentation qui le rongeait depuis maintenant de longues minutes. Mais BB releva les yeux trop tôt et cela le ramena à la réalité. Pour un temps seulement car elle réduisit encore l'espace qu'il y avait entre eux. Désormais, il sentait tout son corps bruler d'envie. Mais il ne devait pas craquer. Il ne le pouvait pas. Tout ce qu'il ressentait en sa présence, toutes ces pulsions, ces montées d'adrénaline, il y tenait beaucoup trop pour risquer de tout gâcher en une seconde. Ne dit-on pas que le seul moyen de résister à la tentation est d'y céder? Et si c'était vrai? Et si il n'y avait plus de tentation une fois qu'ils auraient franchi ce pas, cette frontière dont ils se rapprochaient pourtant toujours un peu plus?

BB s'approcha encore d'Ezra, le stoppant net dans ses pensées. Leurs corps étaient aussi proches qu'ils n'auraient pu l'être. Il était désormais incapable de réfléchir. Leurs nez se frôlaient et leurs souffles s'entremêlaient. « Je...ne...partage...pas... » Bon sang, mais comment faisait-elle? Qu'est-ce qu'il y avait chez elle qui le mettait dans un état pareil? Ils se connaissaient depuis leur enfance, ils avaient grandi ensemble. Il l'avait presque toujours connue, un peu comme si ils étaient de la même famille. Cette attirance était presque malsaine. Encore une fois, Ezra réfléchissait trop. Mais BB le sortit une nouvelle fois de ses pensées. « Alors qu'est-ce que tu comptes faire ? Fais bien attention... un mauvais choix pourrait être... dangereux... » Il avait envie de lui répliquer qu'il ne savait jamais à quoi s'attendre avec elle de toute façon et qu'une chose aurait pu être un mauvais choix un jour et un bon l'autre. C'était vrai. Mais après tout, qui ne tente rien n'a rien, pas vrai? Posant son front contre celui de BB, Ezra ferma les yeux une seconde et pris une profonde inspiration, le temps de remettre ses idées en place. Puis, il décida d'envoyer balader toutes les questions qu'il ne cessait de se poser, tous ses doutes, ses craintes. Advienne que pourra. « Je décide de prendre le risque... » Puis il posa ses lèvres sur celles de BB.

BoomBoom. BoomBoom. Le coeur de BB battait la chamade comme s'il présentait ce qui allait se passer. Comme si la seule passion vibrante dans l'heure suffisait à le faire battre, comme s'il pulsait uniquement sous l'effet de l'adrénaline. Elle sentait chaque battement répandre une onde de choc dans son corps de son coeur à chaque extrémité de sa personne. Elle le sentait tellement fort qu'elle se demandait même si Ezra pouvait le sentir.. Il posa son front contre le sien, elle retint son souffle. Elle le fixa avec intérêt, comme si c'était enfin le dénouement d'un film qui s'offrait à elle. Le suspense la rendait fébrile. Pourquoi avait-elle fait ça ? Elle regrettait mais en même temps elle se félicitait de l'avoir poussé dans ses retranchements. Et pourtant elle s'en voulait d'avoir fais tant de zèle. Et si elle avait eu tort ? S'il la repoussait ?

« Je décide de prendre le risque... »

Sentant ses lèvres se poser sur les siennes, elle ferma les yeux. Ce fut un peu maladroit au début, elle se sentait un peu gauche comme si c'était son premier baiser. Puis tout à coup, quelque chose cédait comme une digue balayée par une vague violente. Elle l'attira tout contre elle et son baiser redoubla d'intensité comme pour exprimer des années et des années de frustration, à prendre sur elle pour ne pas céder à l'évidence, pour éviter ce chaos qui s'abattait soufain en elle et venir à bout du maigre contrôle qu'elle avait sur sa vie. Mais voilà, entre ses bras elle fondait littéralement. Sous ses baisers, elle devenait fébrile, impuissante, toute en émotion, tout en ressentie. Elle en avait presque le tournis, elle avait le souffle court mais rien ne pouvait l'arrêter. Elle avait besoin de ce contact, comme une junkie en manque. Plus rien n'avait d'importance, le temps semblait avoir suspendu sa course alors elle était suspendue à son cou. Elle recula cependant parce que, à bout de souffle, elle risquait de s'évanouir. BB enfouit son visage dans le cou d'Ezra pour le soustraire à sa vue.

« Wow... »

Un sourire timide étira ses lèvres. Elle était pantelante, comme ivre. Ivre de tous les sentiments qui la tourmentaient et qui venaient de s'accomplir. Ivre... d'amour ? Elle n'osait même pas y penser. Mais toutes les sensations qu'elle éprouvait étaient si violentes à présent. Elle s'entrechoquait contre sa peau et ricochait dans tous les sens. Elle réfléchissait à toute allure; qu'est-ce que cela signifiait ? Ce n'était que par défi ou juste le fun ? Ou pour autre chose ? Est-ce qu'il ressentait la même chose qu'elle ? Que ressentait-elle ? Et si ce n'était qu'un jeu de plus ? S'ils avaient été trop loin ? Mais que se passait-il ? Elle était excitée mais elle avait peur à la fois. Peur qu'on lui reprenne ce qu'elle venait à peine de découvrir. Elle se râcla la gorge, leva timidement les yeux vers lui. Elle avait peur de se mettre à nue et pourtant, lui avait pris le risque. C'était à son tour désormais.

« J'ai cru que tu n'oserais jamais, idiot... Ca valait bien le coup de te taper toute la ville et de même pas oser m'embrasser depuis le temps... »

L'amour. Cette notion avait toujours été des plus abstraites aux yeux d'Ezra. Il ne pouvait pas concevoir qu'on ne puisse aimer qu'une personne. On pouvait apprécier les gens et partager des choses avec eux, des baisers, des caresses. Mais il ne comprenait pas les gens qui disaient aimer une seule personne et vouloir passer le reste de leur vie avec elle. Et pourtant, ce qu'il ressentait à cet instant précis, toutes ses sensations qui se bousculaient dans son corps, ces pensées qui se mêlaient dans sa tête, c'était si stimulant, si euphorisant. Il aurait voulu passer le reste de sa vie dans les bras de BB. L'intensité de leur étreinte compensait de loin toutes celles dont il s'était privé afin de ne rien gâcher. Mais BB finit par se reculer, au malheur d'Ezra qui recommença à se poser des questions. Qu'allait-il advenir maintenant? Que se passerait-il une fois la soirée terminée? Rentreraient-ils chez eux et recommenceraient-ils ce jeu au prochain rendez-vous? Il avait peur de déjà connaître les réponses à toutes ces questions. Décidément, il s'en posait vraiment trop, des questions.

Décidant que tout cela pourrait attendre le lendemain, il profita du fait que BB enfouisse son visage dans son coup pour déposer un baiser sur le sommet de sa tête, respirant au passage le parfum enivrant de ses cheveux. Si une de ses connaissances l'avait vu à cet instant, nul doute qu'elle ne l'aurait pas reconnu. Car Ezra affichait bien malgré lui une tête de bienheureux. Il était si bien, aux côtés de BB. Soudain, elle rompit le silence qui s'était installé entre eux et Ezra ne put réprimer un sourire. « J'ai cru que tu n'oserais jamais, idiot... Ca valait bien le coup de te taper toute la ville et de même pas oser m'embrasser depuis le temps... » Prenant une mine offusquée digne de celles de BB, il lâcha: « Excuse-moi mais tu me prends pour qui là? Je me suis pas tapé toute la ville, d'accord? » Il marqua une pause puis ajouta avec un sourire: « J'ai pas touché à tes ex. Ça représente déjà un bon tiers de la ville en moins... » Oui, il adorait la taquiner autant qu'elle aimait le pousser à bout. Et même après ce qui venait de se passer, il n'avait pas pu s'empêcher de saisir l'occasion qu'elle lui avait elle-même offerte. Ce n'était pas un seul baiser qui allait lui faire renoncer à se faire plaisir aux dépens de BB.

« Excuse-moi mais tu me prends pour qui là? Je me suis pas tapé toute la ville, d'accord?... J'ai pas touché à tes ex. Ça représente déjà un bon tiers de la ville en moins... »

BB ne put retenir un petit rire. Elle était stupidement euphorique. Elle ne pouvait retenir ses doigts qui s'amusaient à aller et venir doucement sur l'épaule d'Ezra. Elle avait cette envie folle de l'embrasser à nouveau. Elle se demandait pourquoi elle avait peur si longtemps. Elle se demandait pourquoi elle avait attendu si longtemps. Tout semblant si simple tout à coup mais Beau savait qu'il n'en était rien. C'était juste qu'elle était son petit nuage, qu'elle refusait de redescendre et surtout qu'elle avait envie d'aller plus haut, bien plus. C'était un comportement addictif. Du pur ressenti. De l'envie. Une promesse de plus. Elle frétillait d'impatience. Elle attrapa son haut et l'attira vers elle pour l'embrasser à nouveau.

« Tu dis ça comme si tu le regrettais, vilain... »

BB se sentait fébrile. Elle embrassa sa machôire avec un sourire. Ses caresses se firent plus insistantes. Elle vibrait. Elle vibrait d'un désir nouveau. Elle n'avait pas envie de s'arrêter là. Et pourtant... et pourtant c'était encore le temps de faire marche arrière. De mettre tout ça sur le coup de l'émotion des retrouvailles. Mais elle ne pouvait pas nier, elle ne pouvait plus, elle ne pouvait plus cacher. Elle ne voulait plus. Des années de non-dits, de frustrations, de jalousie, de rancoeur, de sentiments inavoués. Elle allait vraiment perdre les pédales si ça continue. Mais n'avait-elle pas déjà perdu les pédales ? Elle était hors de contrôle. Et c'était irrémédiable. Elle leva les yeux vers lui avec un regard aguicheur.

« On va pas s'arrêter en si bon chemin... si ? »

Et sur ces mots, elle l'embrassa à nouveau avec fougue. Elle était folle mais tellement vivante. Elle était vraie. Rien à voir avec ce qu'elle avait été à Los Angeles. Elle n'avait été que fausseté, elle avait joué un rôle et s'y était perdu. Mais là elle avait l'impression d'émerger à nouveau, d'éclore. D'être à nouveau elle-même, de ne plus feindre, enfin. Et c'était grâce à lui. Il la mettait à nu pour de bon et le dernier secret qui subsistait entre eux venait de tomber, comme un voile trop longtemps tendu entre eux. Mais elle était prête à le déchirer, à y mettre fin. S'en était fini de tout ça, fini de tous ces subterfuges. Elle en avait fini de la fausseté. Elle le voulait lui, pour elle, maintenant.

Ce qu'il pouvait aimer le rire de BB. Il se demandait comment il avait fait sans l'entendre durant tout ce temps. Lorsqu'elle l'embrassa à nouveau, il se sentit décoller. Il dû presque vérifier que ses pieds étaient toujours bien fixés au sol, tant il se sentait sur un petit nuage. « Tu dis ça comme si tu le regrettais, vilain... » Cette fois, ce fut au tour d'Ezra de rire. Mais il ne répondit rien, il était trop occupé à l'observer. La sentir tout contre lui ne changea en rien ce qu'il avait ressenti avant de l'embrasser. La tentation n'avait pas disparu. Pas un instant. Au contraire, elle était encore plus forte. Depuis qu'il avait embrassé BB, il n'attendait plus que le moment où leurs lèvres se frôleraient à nouveau. Et cette observation le rendit encore plus heureux, si cela était possible. Comment un homme pouvait-il éprouver autant de sentiments en même temps? Aurait-ce était pareil si ils n'avaient pas attendu aussi longtemps pour tomber dans les bras l'un de l'autre? Ezra en doutait. Ses sentiments pour elle avaient évolués au fil des années pour finir par le submerger totalement. Et l'éloignement n'y avait rien changé, il avait suffit d'un simple regard pour que tout lui revienne. Et bon sang, qu'est-ce que c'était bon!

BB leva ses yeux vers lui d'un air aguicheur et Ezra en profita pour caresser délicatement la joue de BB de sa main droite. De l'autre, il la serra un peu plus fort contre lui. « On va pas s'arrêter en si bon chemin... si ? » Lorsqu'il put à nouveau respirer, il fit mine de réfléchir quelques instants. « Laisse-moi réfléchir... » En même temps il poussa doucement BB contre le mur qui se trouvait à peine dix centimètres derrière elle et l'embrassa à nouveau sur la bouche, avant de descendre lentement dans son cou. Puis il releva les yeux vers elle et déclara, avec une moue insatisfaite: « En fait, c'était pas aussi bien que je l'aurais cru... » Puis il fit mine de s'éloigner d'elle de quelques pas, tenant toujours sa main cependant. Et, sans prévenir, il tira légèrement sur le bras de BB pour l'attirer à lui avant de la faire tourner sur elle. Puis, comme il l'avait fait lorsqu'il l'avait revue, il la souleva à quelques centimètres du sol et l'embrassa encore une fois qu'il l'eut reposée. Il faisait n'importe quoi et ne s'en rendait pas vraiment compte, mais il aimait ça. Il avait l'impression de ne plus se contrôler, d'être comme drogué. Drogué par l'amour? Peut-être. Mais il préférait ne pas se l'avouer. Question de se préserver si tout s'arrêtait, là, tout de suite. Deserrant un peu son étreinte, il adressa un sourire à BB avant de se répéter. « Tu m'as vraiment manquée, BB. »

BB sourit en sentant le mur dans son dos mais ne rompit pas le baiser pour autant, elle se sentit frissonner en sentant ses lèvres dans son cou. Les événements prenaient une tournure qui lui plaisaient, et même mieux que ça ! Et pourtant, il arrêta, bien trop vite à son goût. Elle regrettait déjà tellement ses lèvres sur sa peau...

« En fait, c'était pas aussi bien que je l'aurais cru... »

Elle faillit s'en décrocher la machoire. Il se moquait d'elle pas vrai ? Ses bras retombèrent le long de son corps alors qu'elle le regardait sans comprendre. Il la faisait forcément marcher, c'était obligé et elle, elle venait de tomber dans le panneau comme une bleu. La honte. Ca devenait sérieux et voilà qu'elle gobait tout ce qu'il lui disait. Etait-elle vraiment si naïve ? Es-tce qu'elle était en train de perdre toute forme de jugement ? Il semblerait oui, ce n'était pas bien glorieux pour elle. Tiens, la preuve, il tenait encore sa main. Quel sale petit menteur ! Et là, avant qu'elle ait pu faire quoique ce soit, elle se retrouvait à nouveau dans ses bras. Elle ne put s'empêcher de rire. Il lui fit même exquiser une ébauche de pas de danser, tout en la faisant volter faiblement dans les airs. Il l'embrassa encore, elle ferma faiblement les yeux. Il était en train d'endormir son vent de révolte, elle le savait bien. Mais il n'allait pas s'en sortir comme ça, elle n'y manquerait pas.

« Tu m'as vraiment manquée, BB. »
« Et je vais encore te manquer un moment... »

Et sur ses moments, elle s'extirpa à ses bras et se dirigea tout droit vers la sortie. Elle lui adressa un sourire et lui fit bye bye de la main tout en articulant de manière silencieuse: Si tu me cherches, je serais chez moi... Et elle fendit la foule tant bien que mal pour rejoindre la porte puis la rue. Il le savait non ? Toute provocation ne ferait que provoquer une revanche de sa part. C'était le deal, c'était le jeu. Elle n'avait plus eu envie de jouer entre ses bras mais lui avait décidé de reprendre le jeu. Et voilà comment elle lui répondait désormais. Elle jouait aussi, ça lui ferait bien les pieds.
Sur le trottoir, elle resserra sa veste en cuir autour d'elle et commença à héler un taxi. Elle lui avait cédé et il n'avait fais que jouer. Maintenant elle le mettait au pied du mur. Elle rentrait chez elle, il ne tenait qu'à lui de la rejoindre et prendre le taxi avec elle ou alors de la laisser partir. Mais si c'était le cas, elle se jurait que ça n'irait plus jamais aussi loin entre eux. Elle ne vivait le rejet que très mal et elle préférait arrêter les frais là tant que c'était encore possible. Qu'elle s'en tire à un moindre mal. C'est fou comme elle pouvait passer d'une émotion à une autre, de l'euphorie à la peur aussi vite, d'être maintenant amplie de doutes, à ne plus savoir quoi dire, faire ou penser. Il avait le don de la chambouler et c'était plutôt effrayant...

« Et je vais encore te manquer un moment... » Ezra n'en crut pas ses yeux lorsqu'elle s'arracha à son étreinte. Non, elle ne s'était tout de même pas vexée de sa plaisanterie? Il fallait croire que si pourtant. Incrédule, il la regarda s'éloigner toujours plus et fendre la foule en se dirigeant vers la sortie. Il n'y croyait pas. C'était elle qui se moquait de lui là, non? Lorsqu'elle lui fit signe en lui adressant un message silencieux, il s'insulta intérieurement. Il avait vraiment été con sur ce coup-là. BB ne supportait pas ne pas avoir le contrôle, il le savait. Et pourtant, il n'avait pas pu s'en empêcher. Ses sentiments l'effrayaient même si il ne se l'avouait pas. Et puis, c'était elle qui l'avait programmé ainsi. Le jeu lui avait fait perdre le sens des réalités.

Alors qu'elle s'apprêtait à franchir la porte, Ezra se prit la tête entre les mains, tentant de réfléchir à toute vitesse. Il ne voulait pas que ça se termine ainsi. Mais si il la rattrapait, il savait qu'il allait se détester d'avoir craqué encore une fois. Après tout, il s'était confié à elle, il avait fait le premier pas en l'embrassant et là... Là c'était encore à lui de la rattraper. Il avait beau tenir à elle à un point qu'il ne comprenait même pas, son orgueil en prenait un fameux coup. Pourtant, si il ne réagissait pas, elle allait partir et la soirée se terminerait sur une note plutôt amère. Que faire alors? Il fallait qu'il se décide, et vite. « Et puis merde! » Il s'élança dans la foule et se glissa entre les gens qui dansaient, buvaient et flirtaient pour rejoindre au plus vite la sortie. Au passage, il bouscula un gars qui devait faire deux fois son poids et deux têtes de plus que lui mais il ne s'arrêta pas pour s'excuser de lui avoir fait renverser son verre. La seule chose à laquelle il pouvait penser risquait de lui échapper si il n'arrivait pas à sortir à temps de la boîte.

Finalement, il franchit la porte, le souffle court. Elle était toujours là, hélant un taxi. Il s'arrêta une fraction de seconde pour la regarder. Son cœur faisait des bonds dans sa poitrine mais était-ce seulement dû à l'effort qu'il avait dû fournir pour la rattraper? Il n'en savait rien et préférait ne pas se poser la question. Il franchit les quelques pas qui le séparait de BB et l'attrapa par la taille. Puis il lui attrapa doucement le menton pour la forcer à le regarder dans les yeux. « Tu vas finir par me rendre dingue, tu le sais, ça? »

BB se sentait bête, stupide, complètement nulle. Elle avait envie de faire demi-tour en courant et de se jeter dans ses bras. Mais elle avait ce sentiment stupide qu'il l'avait repoussé. Elle avait eu envie d'aller plus loin et il avait pris ça pour un jeu. C'était le danger auquel elle avait toujours refusé de penser. Que soudain, le jeu prenne le pas sur la réalité de leur sentiment. Et ça la terrifiait. Tout était bel et bien devenu compliqué. Est-ce que tout redeviendrait comme avant demain ? Est-ce qu'il ferait comme si rien ne s'était passé ? Est-ce que... Elle arrêtait aussitôt de penser lorsqu'elle l'aperçut là, sur le trottoir, à quelques pas d'elle. Elle aurait très bien pu tomber dans le kitsch et courir se jeter dans ses bras, comme elle l'avait déjà fais dans un de ses films. Elle était tétanisée, effrayée par l'idée d'avoir juste une grosse hallucination. Mais lorsqu'il la prit par la taille et lui prit le menton, tous ses doutes prirent fins. Elle avait été idiote, ça oui mais pas pour les mêmes raisons que celles qu'elle se reprochait précédemment. Il avait mis sa fierté de côté pour la rejoindre. Il avait tout planté pour venir la chercher. Pourquoi est-ce qu'elle avait bêtement si peu confiance en lui ? Non, ce n'était pas en lui qu'elle n'avait pas confiance, c'était en elle. Elle avait peur qu'il ne partage pas son émoi, elle avait peur de n'être qu'une fille parmi tant d'autres, elle avait peur qu'une autre ait pris sa place pendant son absence. Mais dès qu'il la regardait avec ces yeux-là, elle oubliait tout.

« Tu vas finir par me rendre dingue, tu le sais, ça? »
« Pour moi c'est déjà trop tard... »

Elle colla son front au sien en fermant les yeux, savourant ce simple contact, entremêlant ses doigts avec les siens.Elle se remit alors à sourire à nouveau et intercepta un taxi dans lequel ils s'engouffrèrent. Elle resta pelotonnée contre lui tout le trajet, silencieuse mais heureuse. La nuit leur appartenait désormais. Adélaïde défilait par les fenêtres. Ils avaient tout laisser derrière eux. La nuit ne serait plus qu'à eux désormais. Eux deux seulement, et personne d'autre. Elle n'osait pas ouvrir la bouche de peur de briser l'instant, se contentant de serrer sa main dans la sienne et de la caresser doucement.
Lorsqu'ils furent arrivés à destination, elle paya la course et s'empressa d'entrainer Ezra vers la grande villa où elle habitait avec son père. Bien entendu, ce dernier n'était pas là. Il n'était même pas en Australie en fait. Elle déverrouilla la porte d'entrée et désactiva la sécurité avant d'aller la lumière. Elle commença à se débarasser de sa veste et de son sac ainsi de ses chaussures.

« Installe-toi, fais comme chez toi. Tu veux boire quelque chose ? »